13.6.11

Samuel, 20 ans, Français, sélectionné par la Côte d’Ivoire


À la fin du mois d’avril, le site d’information Mediapart jette un pavé dans la mare en publiant le verbatim d’une réunion au cours de laquelle les dirigeants de la FFF - Laurent Blanc compris - proposent la mise en place de quotas discriminatoires à l’encontre des joueurs binationaux (joueurs ayant la possibilité de choisir entre deux sélections nationales). Plus d’un mois plus tard, à l’occasion du festival espoir de Toulon, nous rencontrons un jeune français qui joue pour la Côte d’Ivoire.


Les quinze dernières minutes du match contre l’Ukraine ont suffi à calmer les vents qui soufflaient contre le vaisseau FFF. Ce dernier quart d'heure mais surtout le talent XXL de Marvin Martin. Petit, blanc, rapide, technique. Drôle de coïncidence. Curieusement, le gamin de la porte de Vanves avait longtemps été snobé par des observateurs qui pointaient son gabarit en dessous des standards du football moderne. Mais loin, très loin de Donetsk et de Marvin Martin se déroule en ce moment un des tournois les plus importants de la catégorie espoir : le Festival International Espoir de Toulon qui réunit huit sélections espoirs (moins de 21 ans) dont la sélection française. Celle qu’il faut réformer, paraît-il.

Victorieuse lors de l’édition 2010, la sélection ivoirienne compte dans ses rangs quelques binationaux dont Samuel Yohou, 20 ans, Français qui défend les couleurs de la Côte d’Ivoire, le pays d’origine de ses parents. Samuel est un binational. Il a fait ses classes au Paris FC, le club de l’Est parisien avant de signer l’an dernier au RC Strasbourg (en National, l’équivalent de la troisième division). La sélection ivoirienne, il n’y avait jamais vraiment réfléchi :

« On m’a contacté par l’intermédiaire de mon agent. Apparemment, il y a un superviseur pour l’Île-de-France qui m’avait observé lors de la Gambardella (la coupe de France des équipes de 18 ans, ndlr.) disputée avec le PFC. Ils leur manquaient quelques joueurs ivoiriens et ils ont fait appel aux jeunes joueurs disponibles en France. J’étais vraiment surpris, je n’avais jamais pensé à la sélection ivoirienne ! »

Toulon ou la foire aux jeunes joueurs

Lors du tournoi, son équipe a rencontré ’Italie, la Colombie et le Portugal. Malgré les trois défaites subies par les jeunes Éléphants, Yohou préfère retenir l’aspect positif de l’expérience :

« Malgré les défaites, ça s’est bien passé. Les coachs veulent me rappeler pour un match de qualification pour les JO 2012. Même si sur le plan sportif, c’était un peu dur étant donné qu’on ne se connaissait pas. On ne parlait pas tous la même langue (rires)! Dans les sélections européennes, on sent que les mecs se connaissent, certains jouent en club ensemble, ils ont un vécu ! »

Outre le challenge sportif, le tournoi de Toulon représente également une occasion de montrer son talent aux yeux des recruteurs venus de toute l’Europe. Manchester, Milan, Lyon, Valence, Porto, toutes les grandes écuries européennes envoient leurs observateurs sur cette compétition. Tapis dans les tribunes, ils gribouillent frénétiquement sur leurs cahiers, à la recherche de la bonne affaire ou du prochain crack. Si contact il y a, cela ne se fait jamais directement avec le joueur concerné. Les recruteurs rencontrent d’abord les agents et les coachs avant de s’entretenir avec leur cible. C’est comme ça que cela se passe, en théorie (sic).

« Les quotas ? Un faux problème »

Lorsqu’on l’interroge sur l’affaire des quotas, Samuel Yohou exprime un avis et des critiques fondées sur son expérience du sport de haut niveau. Ainsi pointe-il d’abord un manque de logique sportive, une certaine malhonnêteté intellectuelle :

« C’est quelque chose que j’ai mal pris. C’est un faux problème car les vrais bons joueurs jouent toujours avec l’équipe de France. Les Nasri, les Benzema, ils avaient été approchés par l’Algérie mais ils savent que c’est avec l’équipe de France qu’ils peuvent remporter des grands trophées » explique ainsi le défenseur ivoirien.

À ses yeux, l’équipe de France est exclusivement réservée, logiquement, aux meilleurs, aux plus talentueux. Lucide vis-à-vis de sa trajectoire, il préfère rester humble et ne pas se comparer aux phénomènes de sa génération. Le maillot bleu, il le voit comme une chasse gardée et il a décidé de miser sur l’opportunité offerte par la Côte d’Ivoire plutôt que d’espérer une hypothétique sélection en équipe de France A :

« Je préfère profiter d’une continuité dans une équipe moins prestigieuse que l’équipe de France plutôt que d’être éventuellement sélectionné une seule fois et disparaître des radars »

En somme, Samuel Yohou dresse un constat sensé, à l’échelle individuelle. L’idée des quotas ne prend pas en compte les joueurs des échelons inférieurs qui peuvent profiter de leur double nationalité pour vivre une aventure sportive qu’ils n’auraient jamais connue avec l’équipe de France. Formés à l’INF Clairefontaine, en centre de formation ou par un parcours complet dans un club de pré-formation, la motivation de ces joueurs est sportive avant d’être culturelle ou politique. Reste le problème posé par Moussa Sow, le meilleur buteur du championnat de France : il a écumé toutes les sélections espoirs françaises avant de choisir de défendre les couleurs de la sélection sénégalaise. Mais pour un Moussa Sow, combien de Samuel Yohou ?


Crédit photos : Zimbio.com


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