18.7.10

Orange Mécanique Inversée / 10 juillet 2010

Alessandra Bocci – La Gazzetta dello Sport

Adieu au rock, place à la famille Hollande qui préfère désormais ces garçons braves et rassurants aux bellâtres maudits de 1974.

Profitaient-ils plus de la vie ? Rien n’est moins sûr. Au fond, Wesley Sneijder va se marier dans un château toscan, il vit dans le quartier le plus chic de Milan et aucun problème financier ne vient troubler le meneur de jeu de l’Inter.

Il en est d’ailleurs conscient : « Tu sais que je gagne en une semaine ce que tu prends en une année ? » dit-il un jour à Piet Velthuisen, portier du Vitesse Arnhem. Velthuisen, qui est probablement un bon gars mais surtout un ami d’enfance de Sneijder, s’est mis à rire. Pour les journalistes hollandais, la réaction ne fut pas vraiment similaire. Attachés à certaines valeurs, ceux-ci y ont vu un manque de respect. Habitués aux revendications enflammées de Johan Cruyff, le règne des footballeurs bling-bling leur est, semble-t-il, d’autant plus détestable.

Un autre monde

Les Oranjes de 1974 profitaient plus de la vie et du ballon : c’est l’opinion commune et il faut la respecter. Ils étaient beaux, ils fumaient, buvaient et portaient les pattes à la George Best mais par dessus tout, ils enchantaient leur monde. Les bataves de 2010, eux, règlent leurs problèmes en se cachant derrière leurs casques et leurs Ipod, ils s’apprécient mais n’iront pas jusqu’à braver les flammes pour sauver l’un des leurs et surtout, ils sont moins bons sur le pré. « La comparaison est inimaginable » explique avec amertume Valentijn, chroniqueur au Telegraaf, le premier quotidien néerlandais, « j’aimerais qu’ils exploitent vraiment leur talent pour jouer ».

Place aux chiffres : Johnny Rep, avant-centre et patronyme de rockeur, avait marqué quatre buts en 1974. Robin Van Persie, le genre d’offensif à qui il est permis de tout faire avec un ballon, n’en a marqué qu’un seul. Neeskens, merveilleux milieu de terrain, était buteur en finale contre l’Allemagne. En revanche, personne n’espère un but important venu des pieds de De Jong ou Van Bommel, plus à même de blesser avec un savoir faire scientifique.

Van Bommel représente mieux que quiconque le changement familial de la sélection Hollandaise : pas d’écart, beaucoup de sérieux. Les derniers frissons sont venus de Van Persie qui était arrivé sur la scène internationale accompagné d’une série de mésaventures judiciaires digne de Patrick Kluivert. En fin de compte, le Gunner a fini par se ranger, qui sait si la lecture du Coran ne l’a pas aidé dans son entreprise.

Origines

Véritable centre de gravité de cette sélection, Mark Van Bommel n’aurait jamais eu sa place dans l’équipe de merveilles de 1974. Et nonobstant le surnom violent d’ Orange Mécanique, la bande à Johan ne comprenait aucun bagarreur. En revanche, elle était pleine de contestataires et le premier d’entre eux était forcément Cruyff le syndicaliste : « Si il y a de l’argent qui tourne, il faut que les joueurs le récoltent ». Certes, ce dernier n’a pas manqué d’argent en tant que footballeur mais la mort de son père durant sa jeunesse a contraint la mère du numéro 14 à s’adapter aux boulots les moins glorieux pour faire vivre sa famille. Et aujourd’hui, Johan tient une fondation qui lui permet de rendre utile la fortune accumulée grâce à ses pieds magiques.

En 2010, Wesley Sneijder n’est pas impliqué politiquement. Mais aujourd’hui, le football est différent, cette Hollande est différente. Plus familiale, plus bourgeoise, plus rassurante. Plus droite, moins romantique.

Propres sur eux

Plus qu’un centre de gravité, Van Bommel, marié à la fille du sélectionneur, est la figure de proue de ce changement de cap : mis au placard par Van Basten, il est devenu un homme-clé du dispositif tactique de son beau-père. Au sortir d’un mondial allemand en demi-teinte, le Bavarois avait claqué la porte de la sélection : « tant que [Van Basten] sera en place, je ne mettrais plus jamais les pieds en équipe nationale ».

Puis, Bert Van Marwijk installé sur le banc, Van Bommel a pris son ticket et a fait la queue en attendant son tour. Le contraste est clair : en 1974, les Oranjes étaient des rockstars ; en 2010, ce sont des gens normaux. Heitinga a une bonne tête de Flamand (Ruud Krol cultivait, lui, un look plus british), Ibrahim Affelay déborde joliment avec son visage poupin et son maillot bien propre, Elia est d’un lisse à en faire pâlir Edgar Davids (qui n’était pas là en 1974 mais dont la verve polémique est dans l’esprit) et Huntelaar porte sans râler le sourire du remplaçant heureux. En tant que joueur du Milan AC, c’est d’ailleurs lui qui a eu le parcours le plus brillant lors de cette coupe du monde. Et pour une fois, personne ne viendra le comparer à Van Basten. Lors de la fabuleuse épopée de 1974, Marco n’était qu’un simple spectateur. Comme nous.



Traduit de l'italien

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