12.6.10

Comment briller durant la Coupe du Monde ?


Carton Jaune (Fever Pitch)

Le supporteur lambda peut rapidement tourner en une mauvaise caricature : pizza, bière et mauvaise foi. Pour celles et ceux qui désirent dépasser cet infâme triptyque et comprendre cette bête curieuse qu’est le footeux, Nick Hornby dresse un portrait du supporteur d’Arsenal qu’il est. On suit un jeune garçon, issu d’une famille de classe moyenne divorcée, qui prend l’accent prolétaire des supporteurs du nord de Londres, on se marre aux côtés de l’écrivain débutant effrayé par une compagne encore plus imprégnée par le football et on tente en vain de comprendre l’étudiant qui fait bloc derrière l’obscur et médiocre équipe de Cambridge. D’ailleurs, Hornby le dit lui-même : « Quel traumatisme hante les subconscients de ceux qui assistent aux pitoyables combats des troisièmes divisions dans des trous reculés ? Peut-être vaut-il mieux ne pas le savoir. »

Avec un ton délicieusement décalé, il raconte sa relation avec le club londonien avec délicatesse et humour. Plus globalement, c’est sa relation au football en tant que tel qui est minutieusement détaillée : l’identification à son club de cœur, la superposition de sa vie sur les évènements qui rythment les saisons du club. Hornby place des mots sur l’irrationnel et l’affectif.

Le livre n’élude pas le Heysel. L'auteur raconte son Liverpool-Juventus qu’il vit aux côtés de jeunes italiens devant le poste de télévision de l’école où il enseigne. Il présente sans appesantir le propos : les premiers pronostics chauvins, les prémices de la culpabilité, le fossé culturel qui séparait les anglais des Italiens et l’obsession malsaine à vouloir donner un intérêt au match.

Le récit autobiographique est également un moyen de suivre la transformation du championnat anglais au cours de trois décennies. C’est d’ailleurs un aspect très prenant du livre ; il peint ce qu’était le championnat anglais avant que la Premier League ne soit installée et ne transforme le football d’Albion en un feuilleton souvent répétitif qui met en scène des Supers-Héros venus des quatre coins du monde grâce à une puissance financière globale incomparable en Europe. Arsenal est d’ailleurs un exemple probant de cette mutation. Les joueurs de Wenger n’ont pas toujours été les Baby Gunners flamboyants qui s’appliquent à poser le ballon au sol. Loin de là, Carton Jaune nous ouvre les yeux en caricaturant le Boring Arsenal : « Je maudissais la réputation d’équipe ennuyeuse qu’Arsenal méritait amplement. J’aurais vendu mon âme pour voir les miens jouer avec la verve inspiré d’un George Best »

Années après années, on suit son évolution, son rapport avec les équipes anglaises et sous prétexte de parler de ballon rond, Hornby expose son rapport à la famille, aux études, à l’amour, à l’écriture. Selon ses propres dires, Nick Hornby était plutôt mauvais avec un ballon. Il marque néanmoins un joli coup franc avec ce bouquin qui touche ceux qui étaient encore sceptiques vis-à-vis du ballon rond. Un caprice littéraire qui se transforme en un plaidoyer aussi drôle que sincère pour montrer que la ferveur n’est pas forcément ringarde.

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