19.2.10

Un album, un film, un livre



Les vacances arrivent demain pour nos lycéens. Montagne, campagne ou plus simplement hometown, c’est le moment de ralentir le rythme qui mène à l’orientation et au baccalauréat. Pour les marathoniens qui révisent doucement mais surement, les lapins blancs qui vont plonger leurs têtes dans les bouquins et les sprinteurs qui préfèrent attendre l’excitation de la photofinish, Coup de pied au cul se la joue Boccace en proposant un juste milieu pour joindre l’utile à l’agréable : un film, un livre et un album en quinze jours, presque un service minimum de la culture.

"Wish I had a dollar for every time you say : 'Don't you miss the feeling music gave you back in the day ?' "

2004, Usher et Maroon 5 occupent les ipod, Shrek et Les Choristes squattent le box-office, Prince sort de sa torpeur expérimentale des années 1990 pour montrer à l’industrie que son génie ne s’est pas évaporé. Il entre au Rock’n’roll hall of fame la même année et y rhabille While My Guitar Gently Weeps avec un solo monstrueux de virtuosité ; histoire de dire qu’il ne s’agit pas d’une intronisation dans un cimetière d’éléphant. Aux grammy awards, il fête les vingt ans de Purple Rain lors d’un duo mémorable avec Beyoncé mais l’étape clé de ce retour fracassant réside bien dans Musicology et son parfum revival.

Dès la première piste, Prince déclasse toute concurrence avec un aller simple pour les années 1970, les années funk. Musicology (morceau éponyme) aurait pu être l’arbre qui cache la forêt mais le Kid de Minneapolis fait taire ceux qui disent sa créativité absente. Après le old-school time, il rappelle que la sexual funk, c’est son jardin et Illusion, Coma, Pimp and Circumstance est une sacrée fleur. La première partie de l’album est un feu d’artifice musical, la mise au point est limpide et se conclue dans Life ’O’ The Party par un joli jab à Michael Jackson : « My voice is gettin' higher
 and Eye ain't never had my nose done ! »

La suite de l’album permet d’apprécier son timbre de voix. Prince y navigue entre rock, soul, ballades, jazz et r’n’b avec autant de brio que d’élégance et de facilité. Les titres s’enchainent avec énergie et nonchalance tant l’album est marqué par le talent. D’ailleurs, quand la fin nous ramène à la réalité, on a simplement envie d’aller redécouvrir 1999, Parade ou LoveSexy et de fouiller parmi les vinyles de Stevie Wonder, Sly & The Family Stone et autres génies de la black music. Le tout dans Paisley Park ou devant un texte de Kant ...

" Aho ! Ma è vero che sei comunista ? "

Dans l’Italie des années 1960-1970, Danielle Luchetti s’intéresse à la première génération sans Mussolini autour d’un "je t’aime, moi non plus" entre deux frères adversaires politiques et concurrents en amour.

A partir du Fasciocomunista de Pennachi, le réalisateur peint un portrait d’une Italie qui se cherche encore en plaçant la famille au premier plan et la politique en toile de fond. A l’heure où la France termine sa reconstruction et voit arriver un bouleversement des mœurs, l’Italie vogue dans une forme de calme apparent. La démocratie chrétienne est alors au pouvoir et Luchetti nous prend doublement à contre-pied. Tout d’abord, il nous livre deux personnages en marge des comportements de l’époque : Manrico et Accio, l’un communiste utopique, l’autre fasciste par défaut. Le deuxième contre-pied est plus fin car on s’attache plus facilement au petit fasciste et à son esprit de contradiction qu’au charismatique ainé.

L’ensemble sonne juste, la musique, l’atmosphère, les acteurs et surtout l’absence de dérapage politique avec une mention spéciale à l’argot romain présent tout au long du film. Regardez le donc en VO, pour ne pas gâcher le comique du film. Sinon, allez vous pendre devant un logarithme népérien.

Du Beigbeder dans le texte, mais pas que FATAL ERROR de jeunesse OCCURRED

Oui Beigbeder peut être insupportable, lui, son chic, son rôle de poète maudit qu’il endosse bien dans les médias - et qu’il renie dans ce livre : « N’ayant pas le talent de mes maîtres, puis-je espérer de ne pas partager leur brève durée de vie » -, son lyrisme jet-set, sa fausse marginalité. Oui, il pourrait être une imposture si il n’était pas un brillant écrivain.

Les premières pages du bouquin forment une maladroite caricature de lui-même. Je me drogue, je me rebelle, je suis un people qui a créé les règles du jeu en tant que publicitaire et qui se plaint d’être bien né. On ouvre Un Roman français et on tombe sur une autobiographie un peu lourde qui aurait très bien pu s’appeler L’Egoïste romantique ou Au Secours pardon. Malgré tout, Beigbeder réussit un joli coup en singeant le parcours de la France post-68 sur son propre parcours. Le roman prend du corps et le récit s’épure peu à peu. N’attendez pas une fine analyse de mai 68 ou du mandat présidentiel de François Mitterrand, les thèmes abordés sont assez généralistes mais sont traités avec une forme d’honnêteté qui rend le livre efficace.

Flair ou coïncidence, le livre a anticipé deux polémiques nationales : celle sur la garde à vue et celle sur Jean-Claude Marin. A se procurer si vous appréciez l’auteur, à découvrir si êtes encore sceptiques et à bien utiliser si vous manquiez de références originales concernant les mutations économiques et sociales de la France contemporaine.

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