7.2.10

De l'arbitrage vidéo


Dans dix jours s’ouvriront les huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Parmi les huit matchs disputés, on aura probablement droit à un but ou un fait de jeu litigieux qui permettra à Frédéric Lefebvre, Pierre Ménès ou Frédéric Thiriez de relancer le débat sur l’arbitrage vidéo. Coup de pied au cul se charge de leur répondre.

Imaginons d’abord le contexte. Il ne reste plus que quelques minutes à jouer, et C. Ronaldo part dans un raid solitaire. Il efface son vis-à-vis lyonnais, entre dans la surface et s’effondre devant Cris qui l’a à peine effleuré. Dans la seconde qui suit, le coup de sifflet de l’arbitre qui désigne le point de pénalty déchire Gerland. Pénalty marqué, espoirs de qualification lyonnaise enterrés.

Au coup de sifflet final, les commentateurs sont prêts à chasser du Platini et affirmer que l’arbitrage vidéo est désormais une évolution nécessaire pour le football. Pourquoi ? Parce qu’ils sont de vertueux défenseurs de la justice. Réduire l’injustice mais aussi se mettre au diapason des autres sports (rugby, basket-ball, tennis). D’ailleurs, le rugby est un exemple fréquemment utilisé par ceux qui souhaitent édulcorer le football.

Une plaidoirie désordonnée

Si le monde du ballon ovale s’est mis d’accord sur l’usage de la vidéo, la planète football n’en est pas encore là. Entre ceux qui souhaitent que la vidéo soit utilisée sur l’ensemble du match (ce qui poserait un problème puisque le jeu serait haché), ceux qui appellent à une vidéo utilisée pour valider les buts et les situations litigieuses et Joseph Blatter qui préfère vendre son ballon à puce qui sonne lorsque la ligne est franchie (merci l’inspecteur Gadget), la cohérence n’est pas vraiment de mise chez les militants pro-arbitrage vidéo. Un manque de cohérence personnifié par le statut du quatrième arbitre qui ne prend pas de décision arbitrale mais qui dispose d’un écran de contrôle vidéo.

« Qui dit vidéo ne dit pas justice »

Après avoir imaginé l’élimination de l’Olympique Lyonnais, on va maintenant entrer dans la matrice et présenter un football où l’arbitrage vidéo serait utilisé. Tout d’abord, chaque match serait empoisonné par les spots publicitaires diffusés à chaque arrêt vidéo. Une américanisation du football alors même que les Yankees sont des peintres sur le pré, quel comble !

D’autre part, il faut aussi être conscient que la vidéo n’est pas une alternative tout à fait viable. Que ce soit en arrondissant les angles, en les choisissant ou en modélisant le tout en 3D, l’image reste un support facilement manipulable qui n’est donc pas sans faille. La confrontation entre la Norvège et le Brésil lors de la phase de poule de la coupe du monde 98 est un bon exemple. Disputé au Vélodrome, le match est marqué par un pénalty accordé aux Norvégiens (empêchant ainsi le Maroc d’accéder aux 8ème de finale). Les images semblent alors formelles : M. Bahamarst s’est trompé. Il faudra attendre une semaine et la diffusion d’images amateur pour voir que la décision était juste.

Michel Platini vise donc dans le mille lorsqu’il explique que : « qui dit vidéo ne dit pas justice. Tout le reste n’est que communication, démagogie, populisme ». La présidence Platini qui porte un intérêt particulier au football amateur dans ce débat. L’argument est simple : l’arbitrage vidéo creuserait le fossé qui sépare le monde professionnel du monde amateur, mais aussi celui qui sépare de nombreux clubs professionnels et entrainerait ainsi un rapport au jeu bien différent.

La fin du folklore

La mise en place de cette béquille technologique tient surtout de l’aseptisation du jeu. Si le tennis s’est aujourd’hui habitué au Hawkeye, qui ne regrette pas les coups de sang de McEnroe ? Le sport professionnel met plus en avant le spectacle - puisque vendeur - que la performance sportive qui est plus glorifiée aux Jeux Olympiques. C’est aussi à ce titre que la vidéo est néfaste au football. Néfaste car elle revient à réduire l’intensité émotionnelle d’un match et le charme du stade. Le stade est un élément clé de la planète football, c’est un exutoire, on y cristallise les émotions. Il ne s’agit pas de magnifier tous les comportements existants mais de conserver l’essence originelle du jeu que ce soit sur le terrain ou dans les tribunes. Avec l’arbitrage vidéo, le football se prive d’histoires. Plus de main de « Main de Dieu », plus de « but marqué par le public » (1), plus de polémique en un mot : la fin du folklore footballistique.

Reste que l’arbitrage vidéo pose des problèmes plus profonds : celui du remplacement de l’homme par la machine, celui du gouffre toujours plus grand entre la base et les acteurs, celui de l’évaporation des valeurs humaines. Des problèmes qui ne seront probablement pas abordés d’ici dix jours.


(1) : Lors de la demi-finale opposant Chelsea à Liverpool en mai 2005, Luis Garcia (attaquant de Liverpool) marqua un but litigieux puisque personne n’est certain d’avoir vu la balle franchir la ligne. José Mourinho, alors coach de Chelsea, déclara donc qu’il s’agit « du premier but marqué par le public » en insinuant que l’arbitre avait été influencé par la clameur d’Andfield.

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