29.1.10

Le Royaume en Murray d'envie


Après être monté en puissance tout au long de l’Open d’Australie, Andy Murray s’est qualifié en venant à bout de Marin Cilic au terme d’un match représentatif de l’évolution que connaît le natif de Dunblane depuis quelques années.

Dans cette demi-finale, l’Ecossais s’est d’abord montré fébrile et a laissé filer le premier set. Il s’est ensuite ressaisi et a éliminé un Croate physiquement usé. Reste que les sujets de Sa Majesté sont désormais en ébullition puisque la dernière victoire britannique en grand chelem remonte à 1977 et le triomphe de Virginia Wade à Wimbledon. Pourtant, si la perfide Albion est aujourd’hui derrière Andy, le soutien n’est pas toujours inconditionnel et varie régulièrement autour d’un joueur qui ne laisse pas indifférent.

Au royaume du gazon, Murray détonne par sa formation et ses préférences tennistiques. Formé sur terre battue à Barcelone, il avoue sans gêne que le dur est sa surface favorite et l’US Open son tournoi préféré car « On joue devant les stars de mes séries favorites. Ce n'est pas un truc que je pourrais faire chez moi ». Original et surprenant pour un pays qui adulait Tim Henman et son air de premier communiant.

D’ailleurs, les deux joueurs sont très différents. Tim Henman brillait sur gazon, Muzza est à l’aise sur les trois surfaces. L’Anglais était porté sur le service-volée alors que l’Ecossais propose un jeu physique et tactique qui s’appuie sur un revers à deux mains redoutable. Doté d’une grande intelligence de jeu, « Angry Murray » a aussi un caractère bien trempé et un fighting spirit 100% écossais. Une force que Richard Gasquet a pu constater lors du 8ème de finale de Wimbledon 2008. Mené deux sets à rien, Murray enflamme le central en retournant le match en sa faveur et montre son biceps pour célébrer sa victoire. Une rockstar en short.

Malgré tout, ce grand échalas aux cheveux parfois hirsutes est en fait assez loin de cette image de McEnroe moderne qu’on veut bien lui donner (les deux ont été associés lors d’une publicité EA Sports). Une journée agréable pour Andy ? Regarder Soccer AM (le Téléfoot british), manger une pizza et de l’Hagen Daz et visionner Ocean’s 11. Grand fan des Glasgow Rangers - qui lui ont proposé de rejoindre l’équipe -, il est moins délicat avec l’équipe nationale anglaise. Ainsi, pendant la coupe du monde 2006, il déclare « supporter n’importe quelle équipe à part l’Angleterre ».

Des jokes qui ne connaissent pas un franc succès au pays de l’humour. Tour à tour misogyne (« Je pense que nous avons joué comme des gonzesses pendant le 1er set » après un match contre Kenneth Carlsen en janvier 2006) ou désinvolte (« Je l’écoute la plupart du temps mais parfois je le laisse parler » à propos de son ancien coach Brad Gilbert), Murray est au cœur d’un débat récurrent concernant son identité nationale (sic).

C’est le site www.andymurrayometer.com qui donne son taux de nationalité qui varie entre Ecossais et Britannique en fonction des actions du tennis man. Aujourd’hui en finale, Andy Murray est à 88% Britannique. Les Anglais ne sont fair-play que quand ils gagnent, dit le dicton.

Un indicateur qui se maintient de plus en plus côté britannique puisque Murray commence à développer un niveau de jeu très régulier surtout depuis la tournée nord-américaine de l’été 2009 qui l’a portée jusqu’en finale de l’US Open. Des progrès imputables à une vraie évolution opérée depuis novembre 2007. Comme lors de sa demi-finale, Murray a su reprendre le contrôle. Il s’est ainsi séparé de Brad Gilbert pour s’entourer d’un vrai staff de ministre : deux préparateurs physiques, deux préparateurs techniques, un physiothérapeute et Alex Corretja pour la saison de terre battue. C’est en Floride que s’opèrent les changements. Sous la houlette de Ben Johnson (qui avait remis sur pieds Maradona au début des années 1990), Murray court et pousse la fonte pour se forger un corps et étoffer ses 190 centimètres. Il progresse même en communication après avoir embauché Stuart Higgins (rédacteur en chef du Sun) en tant que conseiller. Il s’autorise donc un trait d’esprit au sujet du million de dollars remporté à la fin de la tournée américaine : « Vu le taux de change, ça équivaut à combien ? Dix livres sterling ? ».

Andy a donc grandi. La forme de candeur qui le caractérisait jusqu'à présent tend à disparaître. Une candeur déconcertante quand on sait qu’il a survécu à une fusillade qui aura fait 16 morts alors qu’il avait 9 ans. Un évènement à propos duquel il s’exprime rarement. Désormais numéro 4 mondial, la mue d’Andy sera accomplie et effective si il parvient à battre Roger Federer en finale. Une victoire qui raisonnerait comme l’avènement que le royaume attend depuis 1936 et la victoire de Fred Perry sur le gazon de Wimbledon.

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