24.1.10

Serge Gainsbourg - vie héroïque


Mai 2009, Sfar est à Cannes pour présenter son film aux distributeurs étrangers. Son film sur Gainsbourg. Tout de suite, on craint le bio pic. Merde, encore un. Et pour cause, le cinéma retiendra que les années 2000 auront, entre autres, été celles de ce genre qui consiste à adapter la vie d’un personnage à l’écran. De 8 mile (2002) à La Môme (2007) en passant par Ray (2005), l’offre était vaste mais la fortune diverse.

Quoi qu’il en soit, Joan Sfar n’avait pas le droit de singer l’antihéros le plus poétique du XXème siècle. Force est de constater que le pari a été tenu puisque l’auteur du Chat du rabbin n’a pas fait couler l’eau tiède si caractéristique des bio pic. D’ailleurs, Gainsbourg - vie héroïque n’en est pas un et Sfar joue cartes sur table en le présentant d’emblée comme un conte où la fantaisie et le mystère se mêlent au réel.

Le générique, un court dessin animé en soi, nous donne un premier aperçu de l’esprit du film. On y retrouve l’atmosphère et les couleurs chatoyantes des BD de Sfar. Un film qui s’ouvre sur le petit Lucien qui souffre au piano. Ce fils d’émigrés juifs russes apparaît comme rempli de rêves et d’audace. L’attitude rock’n’roll et le trashtalk du gamin surprennent d’autant plus qu’on les retrouvera moins chez Serge qui est traité avec plus de subtilité. On rencontre d’abord un Gainsbourg peintre timide, en manque de confiance, au charisme presque emprunté. Peu à peu, Lucien se forge un caractère et devient Serge au fil des rencontres

La première est la plus étonnante et la plus réussie. C’est celle de La Gueule. Personnage fictif, La Gueule est l'élément déclencheur du génie musical de Gainsbourg. Aussi mauvaise qu’attirante, La Gueule, ses longs doigts, son nez immense et ses oreilles décollées pousse Gainsbourg à dépasser ses limites. C’est un Jiminy Cricket rempli de vice. C’est aussi un moyen de jouer avec le réel en donnant au film un côté mystérieux qui constitue à la fois une force et une faiblesse.

Au gré de rencontres toujours plus intenses (Boris Vian, Juliette Greco, Brigitte Bardot, Jane Birkin), le film gagne en musicalité, sent fort la gitane et respire la classe du personnage admirablement porté par Elmosnino. Pourtant la faiblesse du film réside dans cette énergie folle des grandes années de Serge Gainsbourg car chaque rencontre nous laisse sur notre faim malgré des acteurs qui tiennent la dragée haute. On aurait aimé approfondir les relations de Gainsbourg avec Boris Vian, Greco ou même Georges Brassens qui apparaît quelques secondes sous les traits de Joan Sfar.

Après la force sentimentale des années Bardot-Birkin, le dernier moment fort du film tient dans l’épisode de La Marseillaise. On sent le personnage à la fois en perte de repère et contestataire tout en s’accrochant à un certain conservatisme moral. Le film perd ensuite en force et peine à se terminer. La rencontre avec Bambou est survolée. On notera la décence de Sfar qui n’aborde pas la mort de l’artiste et a laissé la télévision s’occuper du bio pic (on ne compte plus les diffusions des séquences célèbres avec Catherine Ringer, Blaise Pascal ou Whitney Houston) qu’il n’a pas souhaité réaliser.

3 commentaires:

  1. Alors est-ce que Gainsbourg et Brassens se fréquentaient ? Si tu as approfondi la question, peut être pourras tu nous éclairer Hélène et moi ?

    Bel article sinon, très bien écrit.

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  2. Yo !!!
    J'etais comme toi, effrayée par le bioipic, mais, hier, j'ai découvert sur la toile du Joan Sfar, des couleurs, de la musique, des juifs russes, et de la pudeur. Zénon Théus

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