16.1.10

Une Panenka en cas de panne

9 Juillet 2006, 20h07 : la panenka entre définitivement dans la postérité. Sur un pénalty obtenu par Malouda, Zidane mystifie un des meilleurs portiers de l’histoire en plaçant son ballon au centre de la cage. Geste vieux de trente ans, la panenka nait le 20 juin 1976 à Belgrade. Le tir au but décisif est tiré par Antonin Panenka qui trompe Sepp Maier : la Tchécoslovaquie est sacrée championne d’Europe. Un sacre qui légitime le geste, qui lui permet d’exister.

À vrai dire, la genèse du geste est moins flamboyante que son arrivée sur la scène internationale. De l’aveu même de Panenka, il s’agissait à la base de gagner des bières. Pour Antonin et le gardien des Bohemians de Prague, la fin de l’entrainement rimait avec séance de tirs au but et se finissait souvent en murge au bar d’à coté, le perdant étant sommé de payer l’addition.

Curieuse technique que cette panenka ; geste aussi schizophrène que Syd Barret. La réaliser revient à maximiser les chances de mettre la balle au fond en tentant un geste aussi risqué qu’un teatime avec Keith Richards. Et les statistiques ne mentent pas : le gardien choisit un coté sur 90% des pénalty. En frappant la partie inférieure du ballon, le tireur lui donne une trajectoire incurvée qui se loge au centre de la cage, précisément l’endroit où le gardien se trouve le moins. CQFD.

La réalisation du geste obéit toutefois à plusieurs règles. C’est d’abord un geste interdit aux mineurs : une panenka pendant le foot du dimanche matin ? Mieux vaut oublier. Seuls les gardiens expérimentés plongent sur les côtés. La règle vaut aussi pour le foot en club jusqu’en moins de 13 ans. La seconde règle est bien connu de King Eric : si le vent souffle assez fort pour faire voler Benoît Hamon et que le terrain peut faire office de tranchées en cas de guerre, mieux vaut opter pour une mine. Last but not least : être sûr de soi. Quand Yannick Noah se la joue poète disparu et porte Zidane aux nues parce qu’il « s’amuse en finale de coupe du monde », il est dans l’erreur. La panenka est un geste rationnel au possible qui requiert une certaine facilité technique et une vraie conscience dans l’application. Si Zidane a été solennel, Totti avait préféré prévenir Di Biagio : « Mo er jo faccio il cucchiao » (« je vais tenter une panenka » en argot romain). Le Romain avait alors humilié Van der Sar au cœur d’une Ajax Arena tout acquise à la cause des Oranjes.

Alors pourquoi tant d’engouement pour ce tir ? La réponse tient dans la symbolique du geste. La panenka est au football, ce que le all-in est au poker. L’engouement est donc aussi important que la prise de risque. Au-delà même de cette prise de risque, de la technique requise, de la gloire qu’elle rapporte, la panenka a ceci de plus que les autres tirs : c’est une machine à sensation. Quand le pénalty est le plus souvent synonyme de sentence couperet (réussite ou échec), la panenka se pose en alternative romantique. On a le temps d’apprécier la trajectoire du ballon, de voir le gardien s’étendre, et le souffle du public d’être coupé quelques secondes supplémentaires.

En Mars 2009, trois ans après le sacre de la panenka, l’université de Liverpool se montre encore plus rationnelle et annonce avoir trouvé la recette du pénalty imparable : cinq et six pas d’élan, approcher le ballon avec un angle entre 20 et 30 degrés, saupoudrer le tout d’un tir à 104 km/h, puis caraméliser le gardien en plaçant le ballon à 50 cm de la barre transversale et du poteau. Et bon appétit bien sûr.


N.B. En 1/32ème de finale de la Coupe de France 1989, Eric Cantona alors à Bordeaux, tente une panenka lors de la série de tirs au but face à Beauvais. Le gardien tombe dans le piège, mais le ballon est repoussé par le vent, puis tombe devant la ligne bloqué par la boue !


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