Réputé pour une vie extrasportive complètement dingue, Mario
Balotelli vaut pourtant mieux que quelque anecdote bien sentie.
Balancé dans les pâquerettes, les fers en l’air comme une
femme lubrique, Sergio Ramos a eu tout le temps d’admirer la mise fantasque de Balotelli
exploser en direction des buts ibériques puis s’avancer, lentement, vers
Casillas et ralentir de manière angoissante à force de tergiverser sur la façon d’enfoncer
le portier espagnol. Au terme d’une course folle, le Merengue est finalement revenu
pour écarter la menace en même temps que la colère et l’incompréhension de la vox
populi se sont brutalement abattues sur les épaules de l’Italien. Une action
aura donc suffi à embraser les rédactions, les places et les cafés de palabres réveillant
par la même occasion les légendes urbaines qui entourent le joueur de Manchester
City. L’autre club d’une ville dont la rougeâtre grisaille et le souffle rock abritent
les frasques de SuperMario et de sa vie aux allures de cartoon. Tendance Fritz The
Cat. Pourtant, si SuperMario ravit les tabloïds et fascine hors
du pré, il est également un authentique phénomène une fois les crampons
chaussés.
45 tours
De fait, Mario offre deux faces. Face A, le
saltimbanque. Celle-ci résonne
sans même avoir besoin de froisser le papier de la pochette pour sortir la
galette de son étui en carton. On l’entend sur toutes les ondes ... Au royaume de la presse à scandale, Balotelli alimente les gros titres, s’accapare
les manchettes et façonne ainsi une légende emplie d’une certaine candeur. La
bibliothèque, le pub, la station service, le cabaret ou la salle de bain comptent
parmi les décors de ses aventures. La liste est longue. Les fans sont
d’ailleurs désormais invités à l’allonger en faisant part des tribulations de
leur champion ; quitte à saupoudrer le réel de quelque artifice détonnant.
Face B, le joueur frisson.
Le catwalk nonchalant avec lequel il se promène sur la
pelouse cache, au fond, un trouble ambulant. Une forme turbulente qui cueille
l’attention comme le grain sonore terriblement chaud, profond et dense qui
crépite lorsque le diamant de la platine vient épouser le dédale circulaire du
sillon. Le 22 janvier 2012, contre Tottenham, SuperMario est entré en jeu pendant la deuxième mi-temps. En à peine 10 minutes, il manque de se faire exclure,
provoque un penalty et marque le but de la victoire au bout des arrêts de jeu. Sa
manière, subite, impromptue, déroutante, de poser son empreinte sur le
match comme un type rompu aux subtilités de la scène et
capable de pinces les cordes à même de faire vibrer la foule. Une foule entrée
en transe lorsque Sergio Aguero, son coéquipier à Manchester City, a fait
trembler les filets dans les derniers instants de l’ultime journée de championnat
après avoir été servi par un Balotelli qui s’était arraché pour délivrer la
passe décisive et permettre aux Citizens d’être couronnés champion
d’Angleterre.
Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre d’années
En effet, à 21 ans, Balotelli ne joue pas seulement
avec l’assurance d’un trentenaire mais bien avec une connaissance, parsemée
d’écarts, certes, réelle du jeu. De fait, limiter l’ancien interiste au
bruit sourd de sa frappe ou à son explosivité revient à faire l’impasse sur un
pan important de son jeu. Dos au but, grâce à une protection de balle
superlative, Balotelli est redoutable et permet à au bloc équipe de souffler et
de remonter le terrain. Dès lors, il n’y a rien d’étonnant à voir que l’avant
centre italien compte parmi les joueurs ayant subi le plus de fautes de ce
championnat d’Europe 2012. Cesare Prandelli, le sélectionneur de la Nazionale, souligne également le travail
de sape de Mario lorsqu’il presse la défense adverse et brouille les liaisons
entre l’arrière garde et le milieu de terrain coupant ainsi court aux relances
aisées qui amorcent les phases offensives de l’adversaire. À l'issue du match contre la Croatie (1-1), Luka Modric, le maître à jouer croate, avait expliqué : " Quand Balotelli est sorti, non a eu beaucoup de moins de problèmes. Il pesait beaucoup sur la défense physiquement, tous les joueurs savent que c'est un grand attaquant, très puissant, qui fait mal aux défenses ". À ce titre, Mario
Balotelli semble avoir absorbé nombre d’atouts de la fine fleur offensive
italienne et figure ainsi un nouvel attaquant italien qui combine la puissance
de Francesco Totti, l’extravagance d’Antonio Cassano ainsi que la solidité de
Christian Vieri. Robuste et déluré.
Sauf que là où Totti, Cassano ou Vieri ont des trombines à gratter
la mandoline dans les clips d’Adriano Celentano, Balotelli penche plutôt du
côté G-Funk. Et vers cette folie lancinante que l’on retrouve dans les aigus
sensuels, les percussions tranchantes, dans ce groove torride inspiré, entre
autres, des délires funkadelic de George Clinton et de son Parliament. Un groove farfelu que la Perfide Albion chérit tout particulièrement. À ce propos, le petit Mario est né le 12 août 1990 à Palerme, quelques semaines après que le timbré Paul Gascoigne eut éclaboussé l’Italie, pays organisateur de la coupe du monde 1990, de sa fantaisie avec l’équipe d’Angleterre. Drôle de coïncidence. Opposé à
l’Espagne en finale, gageons que Balotelli saura tirer parti de cette folie douce
pour faire comprendre au football qu’il est tout sauf un mariole.
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